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Shotokai & Shotokan : une analyse historique par Mitsusuke HARADA

mardi 20 juillet 2010

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- O Sensei Funakoshi Gichin.

Comme certains d’entre vous le savent déjà, lorsque Gichin Funakoshi, ou O’Sensei comme nous l’avons affectueusement appelé par la suite, est arrivé au Japon en 1922 il a tout d’abord enseigné son art à un groupe d’élèves qui furent connus sous le nom de Karate Kenkyu Kai - ou ’Groupe d’Etude du Karaté’. Parmi ceux-ci, plusieurs, comme par exemple M. Takeshi Shimoda, sont ensuite partis enseigner à leur tour dans des universités où cette activité s’est développée. Je sais en tout cas que parmi ces élèves de la première heure, sept avaient obtenu leur 1°Dan en 1924, mais malheureusement toutes mes tentatives pour déterminer sous quelle appellation avaient été décernés ces grades ont échoué, car aucune des personnes que j’ai contactées (entre autres M. Mizukami, un des anciens de notre université et contemporain de M. Okuyama) n’a gardé trace des ces premières distinctions. Mais il semble en fait que lorsqu’il fut ensuite question d’établir un système de reconnaissance de niveau - les grades - chaque université ait élaboré son propre système d’évaluation.

Néanmoins, en 1934 M. Shimoda est soudain décédé d’une pneumonie, et plusieurs universités ont alors demandé que Yoshitaka, le fils de O’Sensei, prenne la place d’instructeur principal, ce qu’il a tout d’abord refusé car il était très pris par son travail ; mais au bout de quelque temps il a tout de même fini par accepter le poste. Pourtant, il faut tout de même garder à l’esprit le fait qu’à l’époque aucun groupe ne disposait d’un véritable dojo et qu’ils étaient donc contraints de louer des maisons ordinaires avec pour conséquence logique que les propriétaires se plaignaient souvent des nuisances que provoquaient leurs entraînements. Donc le père et le fils sont vite tombés d’accord sur la nécessité de construire un dojo spécifiquement réservé au karaté, et ce fut la raison pour laquelle leurs élèves se sont rassemblés en une association qui leur permettrait de superviser les opérations et de gérer l’ensemble par la suite. C’est ainsi que naquit en 1936 la GREAT JAPAN KARATE-DO SHOTOKAI. Gichin Funakoshi reçut le titre de Président de l’association tandis que Yoshitaka fut nommé Vice-Président.

Les fonds nécessaires furent donc dûment rassemblés et le dojo fut construit en 1938 tandis que l’inauguration officielle eut lieu en Janvier 1939, et c’est à cette occasion qu’il reçut le nom de GREAT JAPAN KARATE-DO SHOTOKAN.

- Waka Sensei Yoshitaka -

Après cela, bien entendu, un certain nombre de règles de fonctionnement furent mises en place dans l’organisation, et aussi un système de grades avec la 5°Dan comme niveau maximum d’évaluation. Sous la responsabilité de Yoshitaka de nombreuses nouveautés sont ensuite apparues dans le cadre de l’entraînement telles que le Ten-no-kata, les kata Taikyoku et aussi le kata de Bo (ou Khon selon la tradition chinoise) Matsukase. Néanmoins il ne semble pas que quiconque ait alors reçu de 5°Dan, et le grade décerné le plus élevé fut celui de 4°Dan, tandis que ceux qui s’entraînaient dans les universités ne dépassaient jamais la 3°Dan et ce en raison de la brièveté de leurs carrières universitaires, ce qui était assez logique. Il est vrai qu’il était très difficile de continuer à s’entraîner lorsque vous commenciez une carrière en entreprise car il ne vous restait alors que peu de temps libre, et Yoshitaka a d’ailleurs eu beaucoup de difficultés à trouver des personnes qui puissent l’aider, et en aient aussi les capacités.

Pendant ce temps il faut reconnaître que parmi ceux qui s’entraînaient le terme de SHOTOKAI était rarement utilisé, et que lorsqu’il s’agissait de décrire leur groupe tous parlaient du SHOTOKAN DOJO. Malheureusement tout ceci s’est achevé en Avril 1945 lorsque le Dojo en question fut détruit par un raid aérien, mettant ainsi un terme à toutes les activités. Vous avez peut-être déjà lu dans mes Réminiscences ce qui s’est alors passé en ce qui me concerne, mais c’est un fait que la plupart des élèves furent persuadés que tout était terminé.

Cependant, en 1946 à l’Université de Waseda bon nombre d’étudiants libérés de leurs obligations militaires manifestèrent le désir de s’entraîner de nouveau. Nous savons tous que les Américains avaient fait interdire les arts martiaux, mais à Waseda le Professeur Ohama, qui était alors directeur du groupe de karaté et était un ami personnel de O’Sensei (et comme lui originaire d’Okinawa), décida d’essayer de relancer l’activité. Donc, MM.Hironishi et Kamata (Watanabe) se sont alors associés pour prendre part à un certain nombre de négociations, et ainsi l’Athletic Union (Office des Sports) a fini par reconnaître le karaté. Bien entendu d’autres universités ont suivi : Keio, Chuo, Sen Shiu, et ce en 1946 / 1947. Néanmoins il faut savoir qu’à l’époque le Ministère de l’Education ne reconnaissait pas le karaté, mais comme les universités en question étaient des établissements privés elles avaient en fait la liberté d’agir comme elles le voulaient.

Parmi ces universités, celle de Takushoku rencontrait une autre difficulté : en effet, il ne lui était guère possible de survivre sous cette appellation qui signifiait ’université coloniale’, un concept qui, vous vous en doutez, n’était guère apprécié en cette période d’après guerre, et que bon nombre méprisaient pour ses relents d’expansionnisme impérialiste. Elle fut donc contrainte de changer de nom pour s’appeler Koryo. En tout cas, en ce qui concerne le karaté ses élèves commencèrent plus tard que les autres mais sont ensuite demeurés très actifs, et eux aussi ont organisé leur propre système de grades.

Quoi qu’il en soit, nombreux étaient ceux qui estimaient nécessaire la création d’une sorte d’organisme coordinateur, et déjà en 1948 l’Université de Waseda avait pris l’initiative et essayé d’organiser une Fédération de Karaté Universitaire visant surtout à regrouper les pratiquants des groupes Shotokan et Wado-Ryu, mais elle n’a pas vraiment fonctionné. Pourtant, plus tard, le 27 Mai 1949, fut tout de même créée la JAPAN KARATE ASSOCIATION et une invitation fut adressée au groupe Wado-Ryu leur proposant de les rejoindre dans une sorte de confédération qui n’est pas sans rappeler ce que nous connaissons aujourd’hui à l’échelon européen. Malheureusement pour le karaté le groupe Wado-Ryu déclina l’invitation et le groupe Shotokan s’est donc en fin de compte retrouvé seul dans ce qui ne ressemblait plus beaucoup à une confédération. Ceci explique d’ailleurs pourquoi par la suite la JKA fut associée dans les esprits au seul groupe Shotokan.

Néanmoins, le président de cette association nouvellement créée était l’ex-Marquis Saigo (ex- car toute la noblesse japonaise avait été déchue de ses titres après la guerre), tandis que Gichin Funakoshi reçut le titre de Directeur Technique Suprême, et que les ’Anciens’ participèrent à son conseil d’administration en tant que directeurs. Un système de passage de grades bi-annuel fut mis en place avec des sessions au Printemps et à l’Automne (par exemple, Ohshima a obtenu sa 3°Dan de la JKA). Mais il n’en reste pas moins que pendant tout ce temps Funakoshi a conservé l’association JAPAN KARATE-DO SHOTOKAI à laquelle il demeurait très attaché, et qu’il utilisait régulièrement.

Par exemple, il est vrai que la JKA à l’époque concernait surtout les universités et comme certains des élèves de O’Sensei enseignaient dans le privé il ne leur était pas facile d’en devenir membres car ces institutions académiques constituaient des cercles assez fermés. Donc, à chaque fois qu’ils demandaient des reconnaissances de grades à O’Sensei, ce dernier agissait encore en tant que président de la JAPAN KARATE-DO SHOTOKAI (le terme ’Great’ - Grand - avait alors disparu de l’appellation), comme il est d’ailleurs possible de le constater sur mon propre diplôme de 5°Dan, une calligraphie qu’il a signée sous cet intitulé vers la fin des années cinquante (des photos du document en question se trouvent dans les livres que j’ai déjà publiés).

De même, un de ces groupes privés, la Tokyo Express Railway Company, voulait un dojo qui leur soit propre, et M. Kobayashi, ancien élève de l’université de Chuo qui travaillait alors pour cette compagnie, demanda donc l’aide de M. Jotaro Takagi (lui aussi ancien de Chuo), et ce fut de cette manière que fut créé le TOKYU DOJO, avec Funakoshi en tant que Shihan, tandis que Shigeru Egami devenait assistant instructeur. Mais plus tard, à la mort de O’Sensei, ce fut Egami qui a assumé la fonction d’instructeur en chef et diverses personnes lui ont servi à tour de rôle d’assistants. Malheureusement, là encore en raison de leur manque de disponibilité pour raisons professionnelles, ces derniers changeaient tout le temps, ce qui est toujours un handicap pour la continuité de l’entraînement et sa qualité.

C’est ainsi qu’un de ces assistants - un certain Aoki - arrivé sur le devant de la scène à une époque où Egami avait arrêté de s’entraîner pour raison de santé à la suite de ses opérations (vers la fin des années cinquante) a fini par avoir une certaine influence sur le groupe dont il a orienté le travail vers un type d’entraînement que l’on a connu ensuite sous le nom de Sogo Budo - et par la suite Shintaido. Mais cette évolution fut loin de rassembler les suffrages puisque la fréquentation du dojo a décliné à un tel point qu’en 1968 la compagnie a décidé de le fermer définitivement.

Mais bien avant cela, le Tokyu Dojo avait connu un développement considérable, et avait même compté jusqu’à mille membres. Eux aussi utilisaient le nom SHOTOKAI et faisaient appel à Egami pour les reconnaissances de grades sous l’intitulé de NIHON KARATE-DO SHOTOKAI. Parallèlement à cela, des anciens de l’université de Chuo qui étaient rentrés chez eux après leurs études, ou s’étaient installés ailleurs, avaient commencé à ouvrir des dojos dans d’autres régions, et ces gens qui avaient beaucoup de respect pour Egami ont alors manifesté le désir de créer une association. C’est donc ainsi qu’en 1958 la NIHON KARATE-DO SHOTOKAI est officiellement devenue une association de karaté avec Yoshihide Funakoshi en tant que président.

Quoi qu’il en soit, et pour en revenir à O’Sensei, sa mort, vous le savez certainement, fut une source de problèmes quand il s’est agi d’organiser les funérailles. O’Sensei avait préservé comme deux entités bien distinctes l’une de l’autre le SHOTOKAI et la JKA, et les responsables de cette dernière estimaient devoir organiser les cérémonies, mais le fils aîné de O’Sensei, Yoshihide (qui était alors président du SHOTOKAI) a refusé et a donc conservé pour son groupe le contrôle des opérations provoquant ainsi le mécontentement et les réactions que nous connaissons.

A ce moment-là le karaté était déjà en train de se propager à l’étranger et je me trouvais au Brésil où j’avais créé, avec la permission de O’Sensei, la BRASIL KARATE-DO SHOTOKAN, reprenant en fait l’appellation que nous avions utilisée pendant nos années universitaires. Mais d’un autre côté, les membres de la JKA, désireux d’affirmer leur propre indépendance, décidèrent aussi de faire de la NIHON KARATE KYOKAI une entité séparée avec des branches en Europe et ailleurs, et refusaient de s’associer avec tout autre groupe. Soit dit en passant, il me semble que ce climat d’extrême complication fut en partie à la source du conflit qui opposa Ohshima et Nishiyama aux Etats Unis.

- Shigeru Egami >< Mitsusuke Harada.

Pendant ce temps le groupe SHOTOKAI s’était quelque peu développé et Hironishi en était devenu le président tandis qu’Egami occupait le poste de directeur technique en chef. Ce fut donc à cette époque, alors que je me trouvais à Bruxelles au début des années soixante, qu’Egami me fit savoir que nous faisions désormais officiellement partie de la NIHON KARATE-DO SHOTOKAI, et ce fut donc pourquoi en 1966 mon propre groupe en Grande Bretagne fut enregistré sous l’appellation KARATE-DO SHOTOKAI .UK.

Si vous le voulez bien j’aimerais à présent vous expliquer un peu ce qu’est, selon moi, la nature de cet héritage et de la tradition à laquelle nous appartenons, et par là les véritables objectifs du SHOTOKAI.

La vrai révolution du Shotokan, si je peux m’exprimer ainsi, est arrivée par Yoshitaka. Il s’agissait d’une question d’éthique et de philosophie, tout autant qu’une question d’approche technique. En cela il différait totalement de son père dont la conception allait beaucoup plus dans le sens d’une éducation physique alors que lui-même s’orientait beaucoup plus vers le caractère martial de cet art. Dans sa recherche Yoshitaka eut pour partenaires personnels Egami et aussi Okuyama qui s’est entraîné avec lui de manière quotidienne pendant une période assez longue. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de confirmer ce point avec ce dernier lors de ma dernière visite au Japon et durant cette rencontre nous avons eu la possibilité de nous entretenir et d’échanger nos vues sur notre recherche. Je me suis entraîné personnellement avec ces deux seniors et je crois donc pouvoir affirmer que mon propre travail se situe bien dans la ligne de Yoshitaka Sensei que j’avais rencontré avant la guerre lorsque j’ai commencé le karaté au SHOTOKAN DOJO. O’Sensei faisait confiance à son fils et respectait son travail (et nous le savons, il fut très affecté par sa disparition.) ; il n’y a donc aucune trahison du père dans cette approche.

De la même manière, c’est encore dans cette optique de fidélité que certains anciens ont décidé par la suite de faire renaître le SHOTOKAN DOJO comme avant la guerre, avec le SHOTOKAI comme organisme de tutelle. C’est donc ainsi qu’en Janvier 1976, fut ouvert à Tokyo le nouveau dojo portant le nom de SHOTOKAN, avec pour premier directeur Egami et M. Jotaro Takagi comme second. M. Takagi avait été capitaine du groupe de karaté de l’Université de Chuo en 1947, et soit dit en passant, fut l’un des derniers élèves de Yoshitaka. Il sait donc aussi de quoi il parle lorsqu’il s’exprime sur l’entraînement de Yoshitaka et sa qualité. Nous n’avons rien inventé ou idéalisé dans ce domaine, et certaines analyses que j’ai lues récemment comparant les récents champions de karaté à ces anciens maîtres sont des spéculations utopiques totalement dénuées d’intérêt. Néanmoins, Egami était persuadé que la voie que nous suivions alors était bien celle de Yoshitaka. Encore aujourd’hui M. Takagi a aussi l’intime conviction que nous sommes restés fidèles à ses axes de recherche. Mais malheureusement, et ce entre autres à cause des épisodes auxquels j’ai fait allusion plus haut, il est vrai que le terme de SHOTOKAI recouvre à présent des réalités bien différentes, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion générale. L’évolution vers le Sogo Budo avait peut-être ses raisons d’être, mais il y a une chose qui est certaine, c’est que cette approche n’a rien à voir avec le karaté de Yoshitaka. Que ses adeptes aient ensuite évolué vers le Shintaido est leur droit le plus strict, mais là encore il n’y a aucun lien avec le karaté Shotokan. De la même manière, lorsque M. Egami est venu en Europe, c’est le secrétaire général de l’association M. Miyamoto qui fit les démonstrations, et nombreux sont ceux qui ont alors logiquement cru que le karaté qu’il montrait était celui d’Egami. Il n’en est absolument rien, car cette personne était encore fortement sous l’influence de la mouvance Sogo Budo et il fut d’ailleurs par la suite expulsé du Shotokai au Japon pour cette raison. Il pratique en fait à présent quelque chose de totalement différent.

Il est regrettable mais vrai que nombreux sont ceux qui au cours des années ont essayé d’exploiter le nom et la réputation d’Egami, au point que certains ont même prétendu créer une école de karaté, dite Egami Ryu, afin de préserver ce qu’ils présentent comme son véritable message. Il s’agit d’individus qui en fait ne se sont jamais réellement entraînés avec lui car ils sont arrivés trop tard pour cela, même s’ils l’ont rencontré pour quelques discussions amicales. C’est là une attitude lamentable et une insulte à la mémoire d’une personne qui n’a jamais voulu avoir une école à lui, car il restait très fier de la lignée à laquelle il avait appartenu. Pour lui une création de ce type aurait représenté une trahison envers O’Sensei alors que son seul désir était de rester fidèle à ses maîtres et à ses partenaires.

Malheureusement c’est ainsi que va le monde, et il est toujours facile de parler des intentions des gens alors qu’ils ne sont plus là pour vous contredire, et ceci reste valable pour tous. Mais au moins nous pouvons essayer tant que cela est encore possible de nous informer auprès de ceux qui ont vraiment vécu ces époques et vraiment côtoyé ceux dont nous parlons pour nous approcher le plus possible de la vérité. Après, il ne nous reste que notre sincérité en guise de garantie, et je pense que dans le domaine du karaté la meilleure manière de donner du poids à nos paroles est de continuer de nous entraîner avec grande détermination et de donner le meilleur de nous-mêmes. C’est ce que mon ancien, M. Tadao Okuyama continue de faire à l’âge de 83 ans, et ce que je m’efforce aussi de faire : Continuer dans la Voie.

En dernier lieu, et toujours en relation avec le groupe SHOTOKAI, il est une autre confusion que j’aimerais éclaircir, et il s’agit de la question de la compétition. En fait, je viens de lire dans un article récent que le SHOTOKAI se serait livré à des expériences dans le domaine de la compétition à l’époque où Tsutomu Ohshima était à l’Université de Waseda, ce qui est totalement inexact.

Tout d’abord, comme nous l’avons déjà vu, le nom SHOTOKAI ne fut jamais associé aux universités en général et à Waseda en particulier, et quant à Ohshima il n’a jamais appartenu au groupe SHOTOKAI à aucun moment. Mais par contre il est vrai qu’il fut impliqué dans ce que l’on a appelé les premières expériences de compétition.

La première rencontre de ce type eut lieu en Novembre 1951, et ce à l’occasion de démonstrations universitaires organisées par cette Fédération Universitaire qui, nous l’avons vu, concernait surtout des groupes Shotokan. Chaque université devait effectuer sa propre démonstration et chacun cherchait bien entendu à faire quelque chose de différent. Ohshima eut donc l’idée de présenter des rencontres de Kumite et de Jiu-kumite en utilisant le système en cours dans les combats d’escrime, c’est à dire avec quatre juges et un arbitre, pour déterminer le nombre de points marqués. Ce fut un succès et le public repartit enchanté. Toutefois en cette occasion, M. Nakayama est venu me trouver après notre prestation et m’a fait savoir en termes clairs tout son mécontentement vis à vis de cette initiative qui selon lui dénaturait le karaté.

Quelque temps plus tard, comme nous devions avoir avec les étudiants de Keio un de ces ’échanges d’entraînement’ que nous organisions parfois, Ohshima a suggéré que nous répétions l’expérience, mais que cette fois au lieu de laisser l’arbitrage aux anciens de nos universités respectives, nous pourrions demander à quelqu’un de neutre de jouer ce rôle, et il a alors proposé M. Nakayama qui venait de Takushoku (les autres juges furent MM. Nishiyama et Arai). Bien entendu je lui ai laissé entendre qu’il risquait de ne pas être très bien accueilli s’il s’adressait à celui-ci, mais quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre par la suite qu’il avait accepté l’offre bien volontiers. Les revirements d’opinions sont parfois bien mystérieux !

Il est vrai que les gens confondent très souvent le SHOTOKAI et le SHOTOKAN, et j’espère que par le biais de cet article j’ai quelque peu éclairci leurs historiques respectifs, mais je tiens encore à souligner que ces ’expériences de compétition’, car c’est bien là ce dont il s’agissait, étaient uniquement le fruit d’initiatives personnelles au niveau des universités et qu’elles n’ont jamais impliqué le SHOTOKAI en tant que groupe. Il n’est un mystère pour personne que je ne suis pas favorable à la compétition, mais bien entendu c’est là un domaine dans lequel chacun a le droit de se faire sa propre opinion. Mais pour ma part je considère que la compétition en karaté (et ce contrairement à bon nombre d’activités sportives) va dans le sens opposé du progrès technique et de la recherche pour n’être qu’un spectacle entièrement déconnecté de la réalité et de la vérité que nous visons. Laissons donc à chacun le soin de choisir sa voie.

Extrait de ’Les Dires du Dragon’